La pyramide de Maslow appliquée à la cybersécurité : Une approche hiérarchique du déploiement des outils
Lorsqu’on parle de sécurité informatique, il est essentiel de se poser la question du déploiement stratégique des outils de cybersécurité.
Imaginez : vous débutez en tant que DSI ou RSSI dans une société et vous partez de zéro en terme d’infrastructure de sécurité en place. Par quoi commencez-vous ? Comment décider quelles solutions adopter en premier, et comment prioriser les besoins ? Les cyber criminels entrent par de nombreuses portes (fenêtres et cheminées). Lesquelles verrouiller en premier ?
Une analogie intéressante peut être faite avec la pyramide de Maslow, cette célèbre hiérarchie des besoins humains. De la même manière que Maslow ordonne ces besoins par importance, il est possible d’appliquer une hiérarchie similaire pour les outils de cybersécurité.
Nota bene: bien entendu l’article se veut comme un socle de discussion et se base sur nos différents échanges avec nos clients ainsi que notre expertise en cyber. Il y a bien sûr de nombreuses manières de faire et même d’envisager cette pyramide. La bonne pratique consiste aussi à considérer les spécificités des métiers et d’adapter sa stratégie cyber en fonction.
Niveau 1 : Les besoins fondamentaux — La protection de base
À la base de la pyramide de Maslow, on retrouve les besoins physiologiques : ceux nécessaires pour survivre, comme l’air, l’eau et la nourriture. En cybersécurité, ces besoins correspondent aux protections de base qui sont essentielles pour toute organisation. Sans ces éléments, le système est vulnérable aux attaques de tous types. Ces protections incluent :
- Pare-feu ou firewall : Ils forment la première barrière contre les intrusions. Ils contrôlent et filtrent le trafic réseau entrant et sortant, évitant les accès non autorisés. C’est probablement la première brique à mettre en place quand on construit la sécurité de son réseau d’entreprise.
- Antivirus et antimalware : Ils protègent les systèmes des logiciels malveillants qui peuvent compromettre les données et les performances du réseau. A noter que les EDR ont tendance à remplacer de plus en plus les antivirus, mais apportent plus de complexité dans le déploiement et l’exploitation. Pour commencer « simple », les antivirus sont à recommander.
- Le filtrage et/ou les passerelles de sécurité web : les collaborateurs vont forcément utiliser internet, qui sera le plus souvent leur outil principal. Sécuriser et contrôler l’accès aux sites web doit être une priorité pour ne pas exposer au risques de phishing, malwares, consultations de contenus illicites, risques juridiques etc.
- Sauvegarde et récupération : Garantissent que les données sont protégées et récupérables en cas de sinistre ou d’attaque. En cas malheureux de cyberattaque réussie, les sauvegardes permettent de reprendre l’activité rapidement et limiter l’impact financier.
Ces outils devraient être la première priorité de toute organisation, car ils forment les fondations de la sécurité informatique pour protéger un réseau d’entreprise et assurer la reprise en cas d’incident cyber.
Niveau 2 : Les besoins de sécurité — Le contrôle d’accès
Le deuxième niveau de Maslow est le besoin de sécurité et de protection. En cybersécurité, il s’agit de mettre en place des contrôles d’accès pour garantir que seules les personnes autorisées peuvent accéder aux ressources critiques. Les outils de ce niveau peuvent être:
- Gestion des identités et des accès (IAM) : Permet de définir qui peut accéder à quoi. L’IAM limite les risques en accordant uniquement les permissions nécessaires. C’est une évolution complémentaire à la sécurisation des annuaires type Active Directory (ou EntraID).
- Authentification multifacteur (MFA) : Une mesure de sécurité supplémentaire pour vérifier l’identité des utilisateurs.
- Contrôles de périphérique : Permettent de restreindre l’accès aux appareils physiques, tels que les clés USB ou les disques durs externes, qui pourraient transporter des menaces.
- Plan de réponse aux incidents : Ce n’est pas lié au contrôle d’accès, mais c’est le bon moment pour mettre en place les processus – automatisés ou non – permettant de gérer les incidents et reprendre l’activité après une attaque. Définit les étapes pour gérer un incident, limitant l’impact sur l’organisation.
Ces solutions répondent à un besoin de protection plus avancé, en ajoutant une couche de sécurité basée sur l’accès, le contrôle et la gestion des incidents.
Niveau 3 : Les besoins d’appartenance et de connexion — La visibilité réseau
À ce niveau, Maslow place les besoins d’appartenance et de connexion. Dans le domaine de la cybersécurité, cela correspond à la visibilité sur ce qui se passe dans le réseau, permettant ainsi de détecter les anomalies et de répondre aux incidents.
- Surveillance des endpoints (EDR) : Permet de suivre en temps réel ce qui se passe sur les postes de travail et les serveurs, détectant ainsi les comportements anormaux.
- Système de détection d’intrusion (IDS), de prévention d’intrusion (IPS) et leur évolution next-gen, les NDR : Ils analysent le trafic réseau et inspectent les paquets qui y transitent pour détecter des activités inhabituelles ou suspectes.
- Gestion des informations et des événements de sécurité (SIEM) : Ces systèmes collectent et analysent les informations pour identifier des menaces potentielles.
- Les XDR et les SOC, proches d’un SIEM, mais plus spécialisés, permettent d’avoir une vue globale de tous les incidents sur l’ensemble des équipements de l’entreprise et d’y remédier.
Ces outils, souvent dans le cloud, permettent une meilleure compréhension de l’environnement, créant un sentiment de « connexion » en fournissant une vue d’ensemble des activités du réseau. Leur mise en place nécessite une maturité cyber un peu plus avancé et des équipes plus spécialisées. Le cas échéant, des MSSP peuvent prendre en charge le déploiement et l’opération de ces systèmes.
Niveau 4 : Les besoins d’estime — La sensibilisation humaine et la protection de la data
Dans la pyramide de Maslow, l’estime fait référence à la reconnaissance et à la confiance en soi. En cybersécurité, il s’agit de mettre en place des mécanismes data management et la sensibilisation humaine pour éviter ou limiter l’impact des erreurs.
- Les outils de sensibilisation et formation au risque cyber: la pluspart des attaques réussies sont dues à des erreurs humaines. La cybersécurité étant un sujet technique et pas forcément connue par les collaborateurs, il est essentiel de mettre en place des programmes de sensibilisation aux risque cyber, ainsi que des programmes de tests de phishing.
- Le Shadow IT: avec l’essor des applications SaaS, de nombreux collaborateurs peuvent y faire appel, souvent sans l’autorisation des équipes de SI, générant potentiellement des risques de sécurité. Les outils de détection du Shadow IT, comme le CASB (Cloud Access Security Broker) permettent aux équipes IT d’avoir une visibilité sur leur usage et de mettre en place des programmes de gouvernance et des politiques d’accès.
- La protection contre la perte de données: le partage de données fait partie intégrante des méthodes de travail moderne. Particulièrement avec l’essor des LLM type ChatGPT, il faut s’assurer que des données confidentielles ne sont pas partagées ou rendues public. Les outils de DLP (Data Loss Protection) permettent de détecter la diffusion de données sensibles et même d’identifier des exfitrations de données.
Ces solutions renforcent la confiance de l’organisation dans sa capacité à faire face aux risques de mauvaise utilisation des outils de travail par les collaborateurs.
Niveau 5 : L’accomplissement de soi — La cybersécurité proactive et l’innovation
Au sommet de la pyramide de Maslow, on retrouve l’accomplissement de soi : le désir de s’épanouir, d’innover et d’améliorer continuellement. En cybersécurité, il s’agit d’aller au-delà de la défense, et de se concentrer sur la prévention proactive et l’amélioration continue.
- Threat Intelligence (Renseignement sur les menaces) : Enrichit la sécurité de l’organisation en fournissant des informations sur les nouvelles menaces et vulnérabilités, permettant d’anticiper et de se préparer.
- Automatisation et orchestration de la sécurité (SOAR) : Automatisent les tâches répétitives et connectent les différents outils pour une réponse plus rapide.
- Évaluation continue des vulnérabilités : Permet de détecter les failles potentielles en continu et d’évaluer l’efficacité des mesures de sécurité existantes.
- Les pentests : consiste à faire appel à des experts qui se mettent dans une posture d’attaque pour tester la solidité des systèmes de défense.
Ces solutions permettent à une organisation de se développer et d’innover dans ses pratiques de sécurité, en passant d’une posture réactive à une approche proactive.
Conclusion
Adopter une approche de la cybersécurité inspirée de la pyramide de Maslow permet aux entreprises de prioriser leurs investissements et de déployer les outils de manière progressive et stratégique. En commençant par les fondations — comme les pare-feu et les antivirus — et en montant progressivement vers des solutions plus sophistiquées, les organisations peuvent construire une infrastructure de sécurité résiliente et adaptable. La cybersécurité n’est pas une fin en soi mais un processus d’évolution continue, et cette approche hiérarchique peut grandement faciliter la mise en place d’un cadre solide, prêt à affronter les menaces de demain.